Carnet de Route : "A l'éScoot du Monde"
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Aout 2003
" à l'éScoot du Pakistan"

- Intro
- Islam
- Hospitalité
- Escortes
- Nord du Pakistan
- Zones tribales
- Docteur Syed
- Mécanique au féminin
- Si J'avais su...
- Pensées Vagabondes
- Culture G
- Les chiffres

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

1 - Intro (par Sophie)
L'image que les médias transmettent du Pakistan parle de terrorisme, d'intégrisme musulman, de réfugiés Afghans, d' hommes armés… de quoi donner des frissons dans le dos !
Certes ces images ne sont pas fausses mais de notre point de vue elles sont réductrices d'une réalité beaucoup plus contrastée.
Ce pays créé en 1947 lors de la partition des Indes, accueille majoritairement des musulmans; c'est une république islamique. Depuis 1999 le dictateur, général Pervez Moucharaf gouverne le pays , c'est ainsi que 85% du budget de l'Etat sont alloués à l'armée.
Le Pakistan c'est aussi 140 millions de personnes allant des cultivateurs de la plaine du Punjab, aux nomades du Baloutchistan sans oublier les tribus Pachtounes du Nord Ouest.
Ce peuple sera pour nous le plus accueillant de tous ceux des pays déjà traversés.
Le Pakistan c'est également des paysages grandioses et extrêmes, de la chaîne de l'Himalaya aux déserts de l'ouest.
Un mois à découvrir ce fabuleux pays, un mois d'aventures et de rencontres inoubliables, un mois que nous partageons avec vous afin de vous transmettre notre enthousiasme.

2 - L'Islam au quotidien (par Sophie)
Premier signe que nous sommes en pays musulman : Dès 4h30 du matin, le muezzin lance l'appel à la prière du haut du minaret . Les haut-parleurs de chaque mosquée réveillent ainsi tous les fidèles de la ville afin qu'ils récitent leur première prière. Il en sera ainsi cinq fois dans la journée, sortir le tapis , l'orienter en direction de la Mecque et prier. Dans les stations services se trouve souvent un lieu de prière et cela devient même un argument commercial. De même dans les chambres d'hôtel nous trouvons régulièrement le fameux tapis.
Le deuxième signe est le voile que porte les femmes. A Lahore et Islamabad, le voile est porté sur les épaules comme une étole, prêt à être mis sur la tête si nécessaire. Mais en dehors de ces grandes villes et dans toutes les régions que nous avons visitées, les femmes sont totalement voilées. La majorité d'entre elles portent la burka, sorte de " tente " qui les couvre intégralement du sommet du crâne jusqu'aux pieds. Seule " une grille " brodée devant les yeux leur permet de voir un peu et de se déplacer. Ces burkas sont néanmoins très gaies, de couleur blanche, beige, bleu ciel, bleu roi, caramel, mauve …
D'autres femmes portent un voile classique et se cachent le visage avec, laissant juste leurs yeux visibles. Au bord des chemins, quand elles attendent le bus, elles s'assoient toujours dos à la route pour ne pas être vues !
Ces femmes, tout au long du séjour, je les cherche dans la rue, souvent en vain … En effet, elles sortent rarement de chez elles, ne travaillent pas (à l'exception des institutrices et des infirmières, seuls métiers à peu près " convenables " dans les petites villes), et ne mangent pas au restaurant. Très souvent je suis la seule femme à me promener dans la rue, à prendre un thé ou un repas dehors… je subis le regard des hommes, parfois leurs remarques ou leurs gestes déplacés.
En effet l'Islam n'autorise pas les hommes à regarder une autre femme que la sienne, c'est pour cela que les femmes se cachent. Par contre, je peux vous dire que le regard de ces hommes posé sur ma modeste personne, pourtant bien voilée, m'a donné l'impression d'une grande frustration …
La femme reste à la maison. Elle ne conduit pas non plus (à l'exception d'Islamabad) ni voiture, ni moto, ni vélo… imaginez un peu la tête des hommes quand ils me voient sur mon scooter !
Enfin dernière particularité d'un pays musulman, l'alcool est interdit. Alors que dans beaucoup d'autres pays, nous avons souvent vu les hommes " cuver " laissant le dur labeur aux femmes, ici les hommes travaillent et gardent leur dignité.

3 - Une hospitalité inoubliable (par Sophie)
Dès Lahore et dans tout le pays, en ville ou dans les campagnes, nous avons été accueillis à bras ouverts par la population pakistanaise.
Musulmans pour la plupart mais aussi chrétiens, tous se font un devoir de nous offrir à boire, à manger et même l'hospitalité pour la nuit.
Dès les premiers kilomètres, les klaxons des voitures et des motos avec un " welcome " lancé à notre niveau, nous mettent dans l'ambiance. A chaque arrêt plusieurs personnes viennent nous poser des questions et fait surprenant, toutes semblent intéressées par notre voyage et désintéressées par notre porte-monnaie !
Grâce à toutes ces rencontres nous avons ainsi mieux découvert la vie des familles pakistanaises. A Lahore, Shamshad Ali nous convie à déjeuner chez sa sœur puis nous emmène découvrir toute sa famille. Tous nous offrent du thé, du riz, des yaourts … dans la cour de la maison ou dans la pièce réservée aux invités.
Au Nord dans un village perdu, des jeunes filles m'invitent à prendre le thé et à discuter avec elles. Jérôme reste à l'entrée dans la pièce des invités et ne peut pas les rencontrer. Agées de 11 à 18 ans, elles me demandent mon avis sur l'assassinat des fils de Sadam Hussein par les Américains et me disent " Française ! Ah oui, Jacques Chirac est un homme bien ! "
A DI Khan, deux jeunes hommes de 20 ans nous accueillent dans leur famille. Dîner succulent et toujours copieux mais seulement " entre hommes ". Bien que présente, il est rare qu'un homme m'adresse la parole directement, les étrangères étant considérées comme transparentes ! C'est seule que je rencontre les femmes de la famille et discute avec elles dans le quartier de la maison qui leur est réservé.
Toujours à DI Khan, nous passons une journée avec le Docteur Syed ASHFAQ et toute sa famille. Dans cette famille chiite, tous déjeunent et vivent ensemble, grands-parents, parents, enfants, hommes et femmes. La mère et les filles préparent spécialement pour nous de succulents plats de poulet en sauce non pimentés, du riz parfumé, des desserts et des mangues. Ils nous offrent leur chambre climatisée pour la nuit, nous emmènent prendre un thé au bord de l'Indus et nous font des cadeaux splendides, tenues traditionnelles pakistanaises pour chacun et châles pour nos mamans. Toute la famille s'est réunie pour me faire du henné sur les mains, me maquiller, m'habiller. Bref un accueil que l'on ne peut oublier et qui nous met les larmes aux yeux au moment du départ.

4 - Routes sous escortes (par Jérôme)
Pour la première fois de notre parcours nous sommes escortés à plusieurs reprises par la Police. Ce " privilège " nous l'avons essentiellement dans les régions du NWFP (Province des Frontières du Nord Ouest) ainsi qu'au Baloutchistan. Ces deux régions bordent la frontière afghane et comptent nombre de réfugiés Afghans et de fondamentalistes aux sentiments anti occidentaux exacerbés par l'intervention américaine en Afghanistan et en Irak. Et bien évidemment tout ce qui est " blanc " est Américain !
Notre premier contact avec la police se fait un soir alors que nous venons de monter la tente. Une camionnette arrive, des policiers en descendent Kalachnikov en mains et nous expliquent dans leur anglais approximatif que nous ne pouvons pas rester là !
Nous plions donc bagages et de nuit parcourons 20 km jusqu'à la prochaine ville. A l'hôtel nous avons une chambre et constatons que la chambre voisine est occupée par nos " gardes du corps ".
Le lendemain, c'est toujours sous escorte que nous continuons notre route. A chaque barrage de police, un nouveau véhicule prend le relais et c'est ainsi que nous faisons plus de 150 Km sous bonne escorte. Les policiers sont très sympathiques et jamais nous ne sentons une quelconque tension. Ils nous offrent le thé et se prêtent bien volontiers aux séances photos. De même, ils ne nous imposent aucun rythme et se calent sur le nôtre.
Nous sommes toutefois gênés lors des arrêts où le moindre Pakistanais qui s'approche de nous, se voit vigoureusement refoulé. Pas facile dans ces conditions de discuter avec la population ! Pas facile également de trouver un hôtel bon marché lorsqu'un policier nous accompagne, la Kalachnikov au poing, et nous suit même pendant la visite des chambres !
Par contre il faut avouer que les sirènes de ces escortes nous facilitent la circulation lorsque le trafic se fait dense, et c'est tel des " scooters VIP " que nous nous faufilons parmi les voitures obligées de s'écarter devant notre passage !
Notre dernière escorte, au Baloutchistan, sera pour nous faire sortir de la ville ! En effet à DG Khan, alors que nous cherchons un hôtel, les réceptionnistes nous font comprendre que les étrangers ne peuvent rester dans la ville. Des policiers arrivés plus tard, nous expliquent qu'il y a peu de temps, un fondamentaliste a été enlevé (par les Américains ?) et donc ils craignent des représailles sur les étrangers …
Dans ces conditions, inutile d'insister et bien que complètement cassés par une journée de route c'est sous escorte que nous avons dû refaire 60 Km de nuit jusqu'à la ville suivante !
Dans un des pays les plus hospitaliers que nous ayons traversé, nous gardons de ces escortes et mesures de sécurité, non pas un sentiment d'insécurité mais le souvenir de situations inattendues. Et c'est tant mieux ainsi !

5 - Deux semaines dans le nord du Pakistan (par Sophie)
Attirés par les grand espaces et la chaîne himalayenne, nous sommes partis 2 semaines découvrir le Nord du Pays.
Notre boucle nous mène d'Islamabad vers la frontière afghane. Nous quittons rapidement les grands axes pour découvrir de petites routes qui sillonnent la montagne. C'est vers Timarghara que la police a commencé à nous escorter nous faisant sentir que l'Afghanistan n'est qu'à quelques Km et que la frontière ne sépare en rien un même peuple : les Pachtounes.
Nous décidons de continuer, malgré la présence de la police, mais aussi les regards froids et un peu hostiles des hommes de la région de Dir.
Nous passons avec difficulté le premier col, le Lawori Pass à 3200 m. Ascension délicate, la pluie rend la piste glissante, le brouillard empêche toute visibilité et la pente raide contraint Jérôme à se refaire les muscles en poussant les scoots à plusieurs reprises. Complètement découragés, nous sommes à deux doigts de rebrousser chemin quand une éclaircie nous laisse apercevoir le col juste au-dessus de nous. Nous décidons de ne pas baisser les bras si près du but et l'atteignons enfin 2 Km plus loin après une heure d'effort, épuisés mais fiers !
Après une pause thé au poste de police, le scooter de Jérôme ne redémarre pas et il faudra " titiller " les contacteurs de la bobine pendant une demi-heure pour réussir à faire " vrombir " le moteur.
Nous reprenons alors la route jonchée de grosses pierres, descente vertigineuse en lacets avec des passages à gués difficiles, puis nous découvrons la vallée de Chitral splendide par ses hautes montagnes bordant la rivière. A notre grande joie, 30 Km plus loin la piste redevient goudronnée et nous permet d'atteindre Drosh avant la nuit. Nous nous installons dans le seul petit hôtel de cette bourgade, contents de trouver un lit après ces 160 Km épuisants. L'accueil est très chaleureux et le soir c'est au coin du feu, assis sur des tapis avec des hommes en turbans et tenues traditionnelles que nous mangeons un ragoût accompagné de pain. Je suis la seule femme visible, et même voilée des regards étonnés et parfois gênés se tournent vers moi.
Le lendemain nous rejoignons Chitral, petite ville très agréable, où nous prenons plaisir à flâner vers le fort, la mosquée et le long de la rivière. Ville généralement desservie par avion car la route n'est ouverte qu'en été, c'est une atmosphère de bout du monde que nous y trouvons.
Repérés par la police dans un magasin, nous devons nous identifier au poste. Nous recevons aussi l'autorisation pour parcourir la région en moto, notamment la vallée des Kalaches à quelques Km de là. Nous passons une journée auprès de cette ethnie composée de 3000 Kalaches. Ils vivent aux confins de la province du Nord-Ouest et ont conservé leur mode de vie traditionnel et surtout leur propre religion( Ismaélite) bien distincte de l'Islam. Les femmes ne sont pas voilées, portent des costumes colorés, choisissent librement de vivre avec l'homme de leur choix et jouent un grand rôle dans la vie communautaire. Cette vallée, très humide et abrupte, abrite de nombreuses vignes et on y produit, paraît-il, un excellent vin. L'exception qui confirme la règle !
De Chitral nous décidons de rejoindre la légendaire Karakorum Highway en traversant la vallée de Gilgit. Pour cela une piste très difficile nous attend sur près de 200 km. Totalement bloqués, c'est grâce à un groupe d'ingénieurs pakistanais (qui nous délestent de nos bagages en les prenant dans leur 4x4) que nous franchissons les 35 Km avant Mastuj. La piste est tellement accidentée et pentue que l'amortisseur de Jérôme lâche et qu'il faut refroidir d'urgence mon embrayage brûlant en l'aspergeant d'eau !
A Mastuj nous décidons d'embarquer les scooters dans une jeep pour passer la Shandur Pass à 3800 m d'alt. Vu le mauvais état des 40Km de piste, nous ne regrettons pas les 3 heures assis à l'arrière du pick-up car ainsi nous pouvons profiter pleinement du paysage grandiose. Nous atteignons le col à la tombée de la nuit et déchargeons les scoots sur une magnifique esplanade où se trouve le terrain de polo probablement le plus haut du monde ainsi que quelques tentes faisant office d'hôtel.
Nous installons la nôtre à l'abri du vent et préparons un bon dîner sur le réchaud avant de nous glisser dans les duvets.
Le lendemain, le petit-déjeuner dans ce cadre unique et gigantesque nous comble de joie et nous donne du courage pour entamer la descente, 120 Km de piste.
Il nous faut 3 jours pour atteindre Gilgit. Malgré les gros cailloux sur la route, les passages à gués où il faut décharger et pousser nos montures, le vent violent qui fait tomber les scoots la nuit, notre souvenir reste le spectacle fabuleux de cette vallée aux très hauts sommets et le torrent avec ses eaux turquoises. Nos difficultés sont aussi largement adoucies par l'accueil particulièrement chaleureux des habitants Ismaélites de la région et des soldats de l'armée qui refont la route.
A Gilgit, nous faisons quelques courses alimentaires pour préparer les futurs bivouacs et prenons la Karakorum Highway en direction d'Islamabad. Cette route mythique de plus de 1000 Km de long relie la capitale pakistanaise à la frontière chinoise. Creusée dans la paroi des falaises abruptes, elle longe l'Indus et côtoie les plus hauts sommets du Monde comme le Nangar Parbat à plus de 8000 m d'alt. Route sublime qui nous laisse ébahis et plein d'admiration et où nous nous sentons bien petits.
J'avoue qu'avec des précipices si importants, même sur une route asphaltée, lorsque les rafales de vent déséquilibrent mon scoot je n'en mène pas large !
Nous terminons cette découverte du Nord par la très jolie région de Murree située à 80 Km d'Islamabad, où la fraîcheur permet aux vacanciers du Punjab de se ressourcer pendant les mois de canicule.
Quinze jours inoubliables où nos bivouacs dans des paysages d'une intense beauté et les rencontres avec la population si accueillante et en même temps si différente, nous font vivre l'une des période les plus forte de ce séjour en Asie.

6 - Zones tribales (par Jérôme)
Au Pakistan, nous découvrons les zones tribales situées essentiellement dans le NWFP et au Baloutchistan, le long de la frontière afghane.
Ce sont des zones où la loi nationale passe après la loi tribale, celle-ci étant essentiellement basée sur un code d'honneur. Dans ces régions, le chef souvent propriétaire terrien, est seigneur sur ses terres qu'il défend contre les tribus voisines. Inutile d'imaginer des hommes dans des huttes vivant comme au moyen-âge ! Non ! Les fortunes de certains leur permettent de rouler dans de superbes 4X4 climatisés et d'avoir la TV satellite. D'origine Pachtoune pour la plupart (les Pachtounes sont une ethnie qui se trouve au Pakistan mais surtout en Afghanistan où elle représente 60% de la population) ces hommes apprennent très tôt à manipuler des armes, seul moyen de défense contre les agresseurs. Dans la famille Pachtoune qui nous accueille, c'est avec fierté que l'on nous montre les photos de l'oncle, chef de village, qui semble aussi inséparable de sa Kalachnikov que de son turban.
Nous traversons à plusieurs reprises ces zones tribales. Une première fois dans le NWFP sous escorte de police, et la deuxième fois dans le Baloutchistan, seuls !
Nous gardons de ces hommes au faciès barbu caractéristique, coiffés d'un turban signe distinctif de leur appartenance à tel ou tel clan, le souvenir d'hommes simples mais dont émanent une fierté, une dignité et une force tranquille.
De nos passages dans les zones tribales, deux événements restent à jamais dans nos mémoires, tout deux en relation avec les armes !
Le premier à Del Adam Kher, un village situé à 60 Km de Peshawar et dont la caractéristique est d'avoir dans ses magasins un véritable arsenal de guerre en vente ; En effet, du stylo pistolet à la Kalachnikov, en passant par les pistolets et fusils à pompe … tout se vend ici.
Des originaux (Russes, Chinois, Anglais…) aux copies pakistanaises réalisées à la lime dans les arrières boutiques, c'est dans un véritable shopping center pour Rambo que nous nous trouvons !
Et bien évidemment nul besoin de licence, les dollars suffisent !
Alors que nous visitons ce supermarché de guerre, deux détonations claquent derrière nous et nous font bondir de 20 cm ! Eh oui, ici avant d'acheter une arme, on l'essaie en tirant en l'air.
" Tu veux essayer une Kalachnikov ? " me propose un vendeur ! Difficile d'expliquer à ce passionné des armes que c'est avec mon appareil photo que je préfère mitrailler les autres !
Nous repartons de ce bazar de guerre, soulagés, mais conscients qu'avec les zones tribales et la situation en Afghanistan, l'activité étonnante de ce village n'a pas fini d'être lucrative…
Notre deuxième souvenir de ces zones sera sur la route de Quetta. 5 Km après avoir dépassés un panneau avertissant " zone tribale, la police n'assure plus votre sécurité ", nous sommes doublés par un mini van sur le toit duquel viennent de grimper 5 Pachtounes, la Kalachnikov dans le dos. Ces derniers, excités par notre présence exhibent fièrement leurs armes et tout à coup l'un d'eux abaisse son canon et nous met en joue !
Les mains crispées sur les freins, nous stoppons net et laissons filer le véhicule avec ses occupants fiers de leur démonstration !
Décidemment nous n'avons pas les mêmes jeux, ni le même humour !
Bien que jusqu'à Quetta nous n'ayons pas rencontré d'autres hommes armés, inutile de vous dire que, malgré les paysages magnifiques, nous n'avons pas traîné en route !

7 - Docteur Syed (par Jérôme)
A DI Khan, nous nous arrêtons acheter de l'eau. Alors que je m'apprête à payer un homme entre et me demande " Hello ! how are you ? Which country are you from ? " nous discutons un peu puis il nous dit qu'il nous invite chez lui ! Nous nous regardons étonnés mais acceptons.
Afshaq est médecin et après avoir travaillé 10 ans dans l'armée, il a pris sa retraite et exerce dans sa clinique. C'est d'ailleurs là qu'accompagné de son fils, il nous emmène !
Nous nous attendons à un grand bâtiment, peint en blanc, avec réception, salle d'attente, etc… Au lieu de cela, nous arrivons devant un garage dans lequel des étagères remplies de boites de médicaments poussiéreuses, un lit et un bureau sur lequel trône un stéthoscope, attestent que nous sommes dans sa " clinique " …
Cela fait 8 ans qu'Afshaq pratique dans ce village et pendant les 2 heures que nous restons avec lui nous découvrons la vie de ce docteur de village.
Les patients, souvent des femmes, arrivent couvertes de leur Burga. Devant le docteur, et en l'occurrence devant nous, elles se découvrent comme si leur pratique religieuse s'arrêtait à la porte de la clinique. Souvent, ces femmes pauvres, viennent voir le médecin en dernier recours, telle cette femme dont le bébé a la diarrhée depuis 7 jours ! Plus d'une repart sans payer, promettant de rembourser à la prochaine récolte. Tout cela n'entame toutefois pas la bonne humeur d'Afshaq visiblement habitué ou résigné !
Ne pouvant toucher ces femmes, le docteur dispose d'une nurse chargée de l'auscultation. Nous constatons que le stéthoscope reste un instrument de décoration et les médicaments sont prescrits en fonction des dires des malades !
La préparation des médicaments sera une autre source d'étonnement. De son bureau Afshaq dicte le traitement à deux jeunes garçons d'à peine 12 ans. Ceux-ci se saisissent alors des boites poussiéreuses et récoltent dans un bol les cachets rouges, bleus, verts… A l'aide d'un pilon, ils réduisent en poudre ces comprimés qu'ils repartissent dans des feuilles de papier journal découpées ! Chaque feuille correspond à une prise et inutile de préciser que le dosage sur chaque bout de papier se fait " au pif " !
" Tuberculose, diarrhée, maladie de peau …., autant de maladies dont le nombre pourrait être diminué par une meilleure hygiène ", nous avoue Afshaq !
Nous l'approuvons, mais devant le spectacle de sa clinique nous nous demandons encore ce qu'il entend par hygiène !

8 - La mécanique au féminin ! Histoire d'en rire ! (Par Jérôme)
Depuis quelques mois les scoots nous font des misères et j'avoue être en ce moment assez attentif au moindre bruit suspect !
Aussi lorsque Ti-Bout s'arrête un jour en me disant qu'il y a un tintement bizarre, c'est tendu que je l'écoute me décrire ce bruit ! " On dirait comme un cliquetis, et c'est surtout quand je me prends des bosses ! "
J'enfourche son scoot et vais l'essayer, mais rien ! Nous reprenons la route et 2 Km plus loin Ti-Bout m'arrête à nouveau " y'a un cliquetis ! " Nous vérifions le scoot à la recherche d'une vis desserrée, mais toujours rien !
C'est alors qu'en voulant se servir d'un objet, Ti-Bout se cogne le bras. Les bracelets à son poignet s'entrechoquent. " Tu vois le bruit ressemble à celui de mes bracelets ". Nous nous regardons et partons d'un grand éclat de rire !
Maintenant je sais qu'avant de contrôler le scoot de Sophie, il me faudra tenir compte des bracelets et autres cadeaux que les Pakistanais lui ont faits.

9 - Si J'avais su que " faire un mariage d'amour " était un privilège ! (Par Sophie)
En effet, chaque femme que je rencontre me demande si j'ai épousé Jérôme par amour. Ce sont des yeux émerveillés et envieux qui apparaissent après ma réponse affirmative et cela m'incite bien sûr à découvrir ce qu'est le mariage au Pakistan.
Que ce soit chez les musulmans ou chez les chrétiens, ce sont les parents qui décident quel homme épousera leur fille. Ils choisissent donc leur futur gendre dans une famille de leur connaissance appartenant à la même caste. Ils s'assurent que celui-ci peut apporter à leur fille suffisamment de bijoux en or et de vêtements lors du mariage et qu'il mettra à son nom le titre de propriété d'une maison, qu'il lui accordera une somme mensuelle correcte et qu'il fixera contractuellement le montant à lui verser en cas de divorce.
Je précise d'ailleurs que cette clause permet de protéger les femmes car seuls les hommes ont le droit de demander le divorce.
La famille de la mariée est chargée quant à elle, de l'organisation des festivités et de meubler la maison du futur couple.
Généralement les mariages sont arrangés sans l'avis des futurs époux et ces derniers ne se rencontrent que le jour de la cérémonie.
Aujourd'hui les filles sont mariées vers l'âge de 18 ans, parfois plus tard quand elles font des études car cela permet aux parents de choisir un meilleur parti.
Il est évident donc que les relations sexuelles avant le mariage sont strictement interdites. Et au même titre que l'adultère, dans les zones tribales, elles peuvent faire l'objet de " crime d'honneur " par l'un des hommes de la famille.
Le mariage pakistanais se déroule sur 4 jours. Le premier jour ; les longs cheveux de la mariée sont tressés ; le deuxième jour, les femmes lui font du henné sur les mains les bras et les pieds, c'est ce qu'on appelle le Mendie ; le troisième jour a lieu la cérémonie religieuse au lieu de culte où les mariés sont habillés en rouge avec des broderies d'or et sont parés de nombreux bijoux et puis ce sont les repas de fête le quatrième jour.
Je dois avouer que même si j'ai ressenti de l'envie dans le regard des femmes lorsque je leur parlais de mon mariage d'amour, je les ai aussi senties fière de réussir leur mariage arrangé et elles m'ont toutes dit : " on apprend à aimer son mari et chez nous il y a très peu de divorce ! ".

10 - Pensées Vagabondes (Par Jérôme)
Mariée à 12 ans, mère à 13 !
- " Quel âge as-tu ? ", demande Sophie à Moussarat, la femme du Docteur Syed.
_" 31 ans ! ". Elle ajoute, " je me suis mariée à 12 ans, et j'ai eu mon premier enfant à 13 ! "
Nous restons abasourdis devant cette femme souriante, plus jeune que Sophie et déjà mère de 6 enfants !
Et pourtant ce qui chez nous paraîtrait comme quelque chose d'insensé, semble ici plus " normal ".
En effet, dans une société qui considère qu'une jeune fille " réglée " est une femme capable de se marier et d'avoir des enfants, le mariage à 12 ans est une chose naturelle. D'autant plus que les jeunes mariés vivent avec les parents de l'époux et lors de la venue du premier enfant, la grand-mère est là pour apprendre à la jeune mère ce qu'il faut faire. Depuis des générations, les femmes se marient à cet âge et en semblent heureuses. Cependant, nous avons néanmoins remarqué que Moussarrat et Afshaq ont décidé de faire suivre des études à leurs enfants et les filles aînées de 16 et 18 ans ne sont toujours pas mariées… même ici, la société évolue !

11 - Un brin de Culture G
LES PACHTOUNES sont environ 13 millions. Ils habitent dans le sud-est de l'Afghanistan et dans le nord-ouest du Pakistan. Ils sont également connus sous le nom de Pachtous, Pathans (en ourdou) ou Afghans (en persan).
Les Pachtounes, ethnie dominante de l'Afghanistan (50 %), sont vraisemblablement issus d'un même ancêtre qui aurait vécu dans ce qui est aujourd'hui l'Afghanistan.
Entre le XIIIème et le XVIème siècle, plusieurs tribus pachtounes émigrèrent au Pakistan.
Musulmans sunnites, les Pachtounes parlent le pachto, qui comporte deux dialectes principaux. Ce sont généralement des agriculteurs (blé, orge, fruits et légumes) et des éleveurs (moutons, chèvres, dromadaires, volailles). Ils sont organisés en plus de cinquante tribus, elles-mêmes divisées en sous-tribus, clans, et sous-clans. Les Talibans sont essentiellement issus de cette ethnie.

SUNNITES : Musulmans dits " orthodoxes ", en fait parce qu'ils forment la majorité des musulmans (90%), face à l'autre branche principale de l'islam : le chiisme.
Le sunnisme tire son nom de la Sunna, c'est à dire la " tradition ", un ensemble de textes et de récits (les hadiths) qui rappellent quel fût le comportement du prophète Mohammed (" Mahomet ") dans telle ou telle circonstance et qui permettent donc aux musulmans d'adopter un comportement "juste".

CHIITES : Musulmans partisans d'Ali (le cousin et le beau-fils de Mohammed, mort en 661) et de ses descendants. Ils sont minoritaires dans l'Islam, mais majoritaires dans certains pays (Irak (60%), Iran, Liban).

ISMAELITE : Ensemble de populations nomades du désert arabique, que la Bible fait descendre d'Ismaël, fils d'Abraham. Leur chef religieux est l'Agha Khãn.

AYATOLLAH : Religieux musulman chiite d'une haute dignité. C'est aussi un titre donné à certains sages.

IMAM : Fonctionnaire employé dans une mosquée comme chef de prière.

JINNAH, MUHAMMAD ALI
Homme d'État pakistanais (Bombay 1876 - Karachi 1948). Fondateur du Pakistan, il lutte au sein de la Ligue musulmane pour que le territoire de l'Inde, sur sa route vers l'indépendance, abrite un État musulman autonome.
Le 14 Août 1947, date de l'indépendance de l'Inde et de la création du Pakistan, il est nommé chef du nouvel État sous le double titre de gouverneur-général et président de l'assemblée constituante. Il meurt treize mois plus tard.

CREATION DU PAKISTAN
Lors de l'indépendance de l'Inde, le pays est divisé en deux afin de créer un état musulman, le Pakistan. Constitué de deux territoires distants de plus de
1 700 Km, le Pakistan puise dans l'islam et dans la misère de sa population ses seuls facteurs d'unité, même si l'ourdou (parlé par 9 % de la population) est déclaré langue officielle. En 1947, l'aristocratie foncière détient tous les leviers de commande ; mais, tout comme les maîtres de l'Inde indépendante, elle est incapable de calmer les émeutes et de freiner les déplacements de population qui ont fait suite à la proclamation de l'indépendance. Plus de 6 millions de musulmans ont abandonné le territoire indien pour affluer au Pakistan, tandis que 10 millions d'hindous originaires du Pakistan ont fuit en Inde. Cet exode a fait
500 000 victimes. À l'automne 1947, le Maharadjah du Cachemire se rallie à l'Inde, malgré la volonté d'une population composée à 80 % de musulmans, et provoque la première guerre indo-pakistanaise (octobre 1947 -1er janvier 1949).
En 1971 le Pakistan oriental se soulève contre le gouvernement central ; appuyé par l'Inde il devient l'Etat indépendant du Bangladesh.



12 - Le Pakistan en chiffres

- Nombre de jours : 35
- Nombre de Km parcourus : 4300
- Température maximum : 55 degrés C
- Température minimum : 7 degrés C
- Taux de change : 1 Euro = 65 roupies pakistanaises
- Prix du litre d'essence : 32 rp
- Prix d'une bouteille d'eau : 25 rp
- Prix d'un plat de viande, riz et légumes : 35 rp

Les photos !!